tribune d'expression politique du Groupe "Corrèze Terre de Gauche" dans le Corrèze Mag'
Une République à la carte
Nous avons tous une fascination pour les cartes, héritée de nos années d’écoliers, et celle des nouveaux cantons a logiquement suscité la curiosité. Chacun a tourné les pages du journal pour voir auquel sa commune allait désormais appartenir. Et là, stupéfaction. Si les cantons urbains n’ont guère changé, les cantons ruraux ont quelquefois des contours baroques. Et ils sont au minimum deux fois plus vastes qu’auparavant, car leur nombre a été réduit de moitié pour installer sur chacun d’eux un binôme de conseillers départementaux. Il s’agissait de mettre en place la parité, ce qui est juste, tout en refusant le scrutin qui l’eut permis : la proportionnelle.
Alors que toutes les autres collectivités sont élues à la proportionnelle et qu’il est envisagé d’en introduire une part dans l’élection des députés, le législateur ici s’y est refusé, au motif de conserver la proximité de l’élu, pourtant entachée sur ces cantons difformes et étendus. La proportionnelle était l’unique solution pour combiner, par un scrutin de liste d’arrondissement, à la fois la parité, une juste représentation des différentes sensibilités politiques et une représentation des territoires tenant compte de leurs spécificités.
Car ne soyons pas dupes, c’est la ruralité qui va faire les frais de cette réforme. Avec celle-ci, on entérine les déséquilibres des territoires, on acquiesce à leur mise en concurrence libérale, et on crée les conditions du délitement de l’échelon départemental. Un pas supplémentaire a été franchi dans l’avènement d’une République à la carte, d’une France organisée autour de grandes métropoles monopolisant l’argent public au profit des grandes entreprises et de la finance.
Il y a donc quelque chose de dérisoire dans la création d’un binôme au regard des vrais enjeux de démocratie, de cohésion sociale et d’égalité territoriale. Des vrais enjeux qui imperturbablement, même si la carte des cantons change, demeureront.
François BRETIN
