Nouvelle carte cantonale : les conseillers désapprouvent
Article de l'Echo , 25 janvier 2014
Cela était prévisible. La nouvelle carte cantonale n’a pas été validée par les conseillers généraux hier après-midi. Dix-huit d’entre eux ont émis un avis défavorable, quinze se sont prononcés pour et quatre autres, du groupe Terre de Gauche, ont refusé de prendre part au vote consultatif. De nombreuses motions ont été émises.
Non validée ! La Corrèze nouvelle génération a été boudée par les conseillers généraux hier après-midi, au cours d’une séance plénière de quatre heures. Le Préfet, Bruno Delsol, a eu beau expliquer par le menu, le détail de la réforme dans un discours magistral, les nouveaux périmètres dessinés par le ministère de l’Intérieur, n’ont pas séduit les élus. Ces derniers ont du émettre un avis et proposer des motions modificatives sur les limites des circonscriptions et leurs dénominations. Mais leur vote est consultatif. Au final, c’est l'hôtel de Beauvau qui décide...
«Les bassins de vie oubliés»
La délimitation des nouveaux cantons s’inscrit dans le cadre de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux. Le scrutin qui se déroulera en 2015 respectera la parité. Chaque citoyen devra élire un binôme homme/femme pour six ans. Le renouvellement du conseil sera intégral et non par moitié tous les trois ans comme c’est le cas aujourd’hui.
Pour respecter l’équilibre démographique entre les territoires, les nouveaux cantons comprendront approximativement le même nombre d’habitants. Les limites des cantons actuels et l’intercommunalité ont constitué des points de repère. «Si on met à part les cinq cantons de Brive, sur les 32 autres actuels, vingt sont intégralement compris dans un des nouveaux cantons. Dans douze cas sur 32, l’ancien canton est partagé entre plusieurs nouveaux», explique le Préfet.
Bruno Delsol a rappelé que «le canton n’a plus désormais de rôle administratif mais un rôle d’élection. Vous ne vous prononcez pas sur une carte des services publics», insiste le représentant de l’Etat. Les binômes n’auront plus, en effet à défendre «leurs territoires» mais à réfléchir sur une politique globale du département. Le remodelage répond au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.
Le temps «des petits marquis» est terminé. «Il ne s’agit plus maintenant de prétendre défendre des «fiefs» qui renvoient à d’autres temps, aux antipodes des valeurs de la République», martèle Gérard Bonnet, le président du Conseil général.
Dans l’hémicycle, les opinions divergent. Les élus de Corrèze Demain déplorent le manque de concertation pour l’élaboration de la nouvelle carte. «Nous aurions aimé avoir un échange approfondi avec l'Etat, de la même manière que cela s'est déroulé pour les nouvelles intercommunalités. En quelques heures nous devons décider de l'avenir du département», reproche Michel Paillassou pour qui les nouveaux périmètres ne correspondent plus aux bassins de vie. Bernadette Chirac estime que le gouvernement favorise les zones urbaines au détriment des rurales. «Le département comprendra un gros bassin de Brive, peuplé, et un désert corrézien plus au Nord», analyse-t-elle. Son argument est partagé par Sophie Dessus. La conseillère générale d’Uzerche est «très déçue» des nouveaux périmètres. Elle a pourtant voté pour «une carte qu’elle désapprouve».
Les élus Terre de Gauche ont préféré s’abstenir de voter. Régine Delors a voulu défendre «son tout petit canton de Vigeois partagé aujourd’hui en deux». Dominique Grador estime aussi que «la ruralité fera les frais de cette réforme». Elle dénonce «une usine à gaz binôminale» et regrette que le scrutin à la proportionnelle ne s’applique pas. «Si on ne décide pas arbitrairement de la disparition des départements, on crée les conditions de leur délitement», commente-t-elle. Pour Alain Vacher, les départements et les communes restent les espaces de la démocratie de proximité. «Leur effacement programmé constitue une atteinte aux libertés publiques».
L’avis du Conseil général, défavorable, sera transmis au ministère de l’Intérieur ainsi que les motions adoptées. Le Gouvernement saisira alors le Conseil d’Etat. Celui-ci vérifiera que le projet respecte l’ensemble des règles de droit. La publication des décrets débutera au mois de février.
Karène Bellina
Quelques repères
Ce qui change
Les 37 cantons sont refondus en 19. En 2015 siègeront 38 conseillers hommes et femmes. 18 des 19 nouveaux cantons s’inscriront dans la fourchette garantissant l’égalité démographique. Celle-ci peut comporter un écart maximal de 20% à la moyenne départementale de 12.818 habitants. Seul le canton de Bort est en dérogation.
Les règles
Le territoire de chaque canton est continu. Il est défini sur une base démographique. Toute commune de moins de 3.500 habitants est entièrement comprise dans le même canton.
Au niveau national
34 conseils généraux ont donné un avis défavorable dont 9 de gauche. 31 se sont prononcés positivement.
Quand l’histoire se répète
En 1790, la Corrèze comptait 40 cantons. La carte de l’époque a peu évolué depuis 1802. Allassac et Sainte-Fortunade qui avaient été chefs-lieux de cantons de 1790 à 1802 donnent aujourd’hui leur nom à deux nouvelles circonscriptions !
carte des cantons Corrèze