SEANCE PLENIERE DU CONSEIL GENERAL DE CORREZE- DISCOURS DE Régine Delord

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SEANCE PLENIERE DU CONSEIL GENERAL DE CORREZE- DISCOURS DE Régine Delord

DISCOURS DE RéGINE DELORD

GROUPE CORRÈZE TERRE DE GAUCHE

SÉANCE PLÉNIÈRE DU CONSEIL GÉNÉRAL - 20 DÉCEMBRE 2013

Chers collègues,


« Il ne faut pas chercher à rajouter des années à sa vie, mais plutôt essayer de rajouter de la vie à ses années » disait John Fitzgerald Kennedy. Idéalement il faudrait même faire les deux. L’allongement de l’espérance de vie ne doit pas être perçu comme une charge pour la société. Rien de plus dramatique que des personnes âgées qui se sentent de trop. L’allongement de l’espérance de vie doit s’accompagner d’un allongement du bonheur, même dans la perte d’autonomie, et peut-être surtout dans la perte d’autonomie.

Trois points à l’ordre du jour de la séance plénière d’aujourd’hui vont dans ce sens. Dans un contexte contraint, le Conseil général conduit une politique de soutien à l’autonomie volontaire et innovante. Les opinions divergeront peut-être quant aux moyens employés, mais heureusement sûrement pas quant à l’objectif. Certains diront qu’avec ce budget, il était possible de faire mieux. Il y a toujours moyen de faire mieux. Je leur réponds que faire mieux est aussi une question de moyens.

Cela fait trente ans que je travaille en gériatrie et que j’entends parler d’une loi sur la dépendance, une loi qui viendrait répondre au défi civilisationnel de la vieillesse en mobilisant les sommes nécessaires. Un défi civilisationnel, en effet, comme l’affirmait le 14 octobre dernier Jean-Marc Ayrault. Je cite : « L’allongement de notre espérance de vie doit être vécu pour ce qu’il est vraiment : une chance pour chacun et un progrès pour notre civilisation ». Il présentait ce jour-là le calendrier de la future loi dite « pour l’adaptation de la société au vieillissement ». Mais quid des sommes nécessaires ? Les dépenses atteignent actuellement 34 milliards d’euros. À l’horizon 2040, les besoins seraient de 10 milliards supplémentaires. Où trouver l’argent ? Dans son intervention, le premier ministre n’a malheureusement pas donné d’éléments sur le financement de cette réforme.

Pourtant, il y a un élément de financement déjà existant : la CASA, contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, qui a été instituée en 2012. Ce prélèvement obligatoire d’une taxe de 0,3% sur les pensions des retraités a été officiellement conçu pour financer cette loi. Cette ponction rapporte actuellement 600M€ par an à l’État. Mais l’argent collecté cette année a servi à réduire le déficit du fonds de financement du minimum vieillesse. Et l’an prochain, si l’on en croit le projet de budget de la sécurité sociale, ces 600M€ seront versés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie qui, d’un même mouvement, sera grevée d’un même montant. Et pendant ce temps-là, les Shadocks pompaient... Cela rappelle curieusement la vignette automobile puis, plus près de nous la suppression d’un jour férié, le lundi de Pentecôte, pour financer un fonds de soutien aux personnes âgés qui a finalement été, selon un rapport de la très sérieuse Inspection générale des finances, pour partie détourné chaque année de sa vocation première. Affecter les sommes à leur destination initiale renforcerait la crédibilité de l’État et le consentement des contribuables à l’impôt. Matignon promet qu’en 2015, tel sera le cas.

Où trouver l’argent, donc ? Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, évoque des pistes de financement. En premier lieu, aligner le taux de CSG des retraités sur celui des actifs, et augmenter la CSG pour tous, sachant qu’1 point supplémentaire apporterait 10 milliards. Mais la contribution sociale était-elle vraiment « généralisée » ? Les entreprises du CAC 40 contribuent-elles à l’allongement du bonheur ? Poser la question, c’est déjà y répondre ! Elles ne font pas dans l’humain. Elles font dans le fric. Pourtant, c’est le travail de tout un chacun qui crée leur richesse. Que ceux qui ont travaillé toute leur vie bénéficient d’un retour de la richesse qu’ils ont contribué à créer serait donc tout simplement juste. Les revenus financiers doivent être mis à contribution pour financer la perte d’autonomie, et plutôt que cela la perte d’autonomie risque d’être mise à contribution pour les revenus financiers si, comme cela a été envisagé, on ouvre la porte de son financement aux assurances privées. Que l’État prenne ses responsabilités.

Sur les 34 milliards d’euros nécessaires, 5,5 milliards sont supportés par les Départements, qui subissent un déficit chronique de compensation des allocations de solidarité versées au titre de la dépendance, que ce soit la Prestation de Compensation du Handicap ou l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie, dont le poids pour les collectivités est en augmentation constante. En prenant largement à leur charge cette mission de solidarité nationale à la place de l’État, les Départements se trouvent dans une situation financièrement difficile et l’État a beau jeu de présenter comme un « soutien » ou comme une « aide » les fonds qu’il nous verse ensuite afin que des Départements comme le nôtre puissent présenter en équilibre un budget qui, pour grande partie par sa faute, ne le serait sinon pas.

Le pire dans l’histoire, c’est que ces fonds de soutien sont assortis de contreparties d’un montant équivalent et nous entrainent ainsi dans la spirale de l’austérité, dont on voit les conséquences désastreuses grandissantes qu’elle produit au niveau économique global. Nous accueillons donc comme une bonne nouvelle, Madame la Députée, chère Sophie, l’amendement que vos collègues ont majoritairement voté vendredi dernier en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale, concernant la loi de finances 2014, amendement qui vise à réduire le reste à charge des Départements au titre de ces trois allocations de solidarité. Et à le réduire équitablement, en veillant à traiter de façon différente les départements supportant le même reste à charge, mais le supportant entre un nombre d’habitants et des ressources totalement inégaux. Nous y voyons une façon, ou tout au moins un espoir de nous épargner enfin à l’avenir ces « fonds de soutien » à répétition et leurs contreparties délétères.

Cependant, la solidarité s’appliquera ici entre collectivités locales, et ce que les collectivités vont faire, en devant se montrer solidaires les unes des autres, c’est l’État qui devrait le faire. Car c’est l’État qui a créé initialement ce reste à charge. Mais le peut-il puisqu’il reste engoncé dans le carcan dogmatique de la réduction des déficits publics sans oser mettre à contribution la prédation du capital. Il impose l’austérité pour le citoyen et préserve l’opulence des grands actionnaires, des grands groupes, des grandes banques. Pourtant, il y a là une vraie clé de réforme globale de la fiscalité française. Le coût du capital, c’est-à-dire les charges d'intérêts et les dividendes servis, représente deux fois plus que les cotisations sociales patronales versées !

Toute réforme fiscale qui ne remet pas en cause l’austérité est une impasse. Les citoyens ont besoin de services publics. Les collectivités ont besoin d’autonomie. Les dossiers traitant de celle des personnes âgées et handicapées, qui constituent l’essentiel de la plénière de ce jour, en témoignent.

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